Une lettre qui explique la colère à Marseille

Une lettre qui explique la colère à Marseille

15-11-2018

La politique du logement à Marseille concerne bien entendu nombre de personnes étrangères aux statuts administratifs divers. A ce titre, nous vous donnons connaissance de cette lettre courageuse, explicite et en même temps affolante sur la situation.

Nous sommes des travailleurs-euses du secteur associatif, du secteur social ou médico-social, de l'animation, du soin, de l'éducation. Nous participerons le 14 novembre à la Marche de la Colère organisée par des habitant-e-s et associations du quartier de Noailles, à Marseille. Nous y participons parce que nous souhaitons être solidaires des habitant-e-s concerné-e-s, des familles de victimes, des personnes expulsé-e-s de leurs logements, des personnes qui depuis le 5 novembre vivent l'enfer personnel, administratif, financier, politique.

Nous y participons aussi parce que nous sommes en colère. Nous faisons quotidiennement, de moins en moins des missions d'accompagnement et de travail social, mais des missions qui nous sont sous-traitées par les pouvoirs publics : nous gérons les demandes de logement à leur place, l'accès aux droits, les activités dans les écoles, le soutien scolaire, l'insertion vers l'emploi, les ateliers linguistiques. L'Etat et les pouvoirs publics (mairie, département, région...) se désengagent et se reposent complètement, et de plus en plus, sur nos épaules. Il faut toujours répondre à plus de demandes, dans un contexte social dégradé par les choix politiques, et nous avons le sentiment, parfois, de le faire mal. Par manque de moyens, par surcharge, parce que nous sommes de plus en plus sollicité-e-s, avec des moyens en baisse constante, et dans une précarité de plus en plus importante de nos conditions de travail.

Nous sommes les témoins des défaillances de l'Etat dans tous les domaines (habitat, santé, droits, etc.), de l'abandon de populations etnde quartiers entiers par les politiques de la ville. Nous sommes écoeuré-e-s d'être pris par les institutions pour celles et ceux qui masquent leur politique publique de désintégration de masse, dans les quartiers comme dans le centre-ville de Marseille, à Noailles.

Nous sommes en colère, et c'est contre les responsables, contre les pouvoirs publics, contre l'Etat et les collectivités, qui se déchargent de toutes leurs responsabilités sur des associations, parce que ça leur coûte moins cher, parce que ça leur permet de se détacher tranquillement, et d'accuser la pluie.

Nous sommes en colère contre le mécanisme politique qui fait que d'un côté, les subventions baissent tout le temps, que les services publics sont de plus en plus défaillants, que les salarié-e-s du social sont de plus en plus étouffé-e-s dans leur travail, et que de l'autre côté, les pouvoirs publics sont ravis de pouvoir orienter les gens vers les mêmes associations pour se désengager et se déresponsabiliser à l'abri des regards. Nous appelons cela une politique cosmétique, de façade, volontairement éloignée des difficultés de terrain!

Nous ne souhaitons pas être celles et ceux qui exécutent le sale boulot de l'Etat, qui devont répondre à des commandes de plus en plus honteuses, tout ça pour récolter les quelques miettes de subvention qui restent.

La lutte des habitant-e-s de Noailles en particulier, et des habitant-e-s des quartiers populaires, nous souhaitons la soutenir, la diffuser, la relayer. Dans nos métiers, les pouvoirs publics nous demandent tout le temps de travailler sur "la participation des habitant-e-s", sur les "projets". Dans la lutte, nous voyons des personnes qui participent, qui discutent, qui s'organisent à la fois pour répondre à des besoins matériels immédiats et pour faire tomber les responsables. C'est là, qu'il y a de la "participation", des "projets". Nous ne voulons pas être celles et ceux qui, en rendant la misère plus admissible, plus douce, la rendent simplement moins visible, et permettent à ceux d'en haut de s'en laver les mains.

signé:des travailleurs-euses des associations, du secteur social,
médico-social,de l'animation...